vendredi 23 mars 2012

Une communication cachée entre les hommes et les femmes révélée par le revenu des danseuses de cabaret ?

Il n'y aurait pas d'oestrus ("chaleurs") chez les humains ?

On considère en général que dans l'espèce humaine il n'y a pas d'oestrus ou qu'il est caché. Il serait insultant de parler pour les femmes de "chaleurs".
Miller, G., et al. (2007) ont publié une étude qui suggère que les comportements sexuels des humains seraient modifiés par la phase du cycle menstruel de la femme Il a trouvé que  lorsque des danseuses de cabaret "lap dancers" aux USA  sont dans la phase féconde de leur cycle elles reçoivent très nettement plus de pourboire que celles qui prennent la pilule et celles dans les phases non fécondes.
Dans le débat sur l'effet de la pilule sur le comportement des femmes et de leur entourage qui semble reprendre de l'ampleur, c'est une éclairage qui ne manquera pas d'intéresser les élèves… et les enseignants ?

Prix Ignobel 2008

Cette recherche a obtenu le prix igNobel 2008 dans la catégorie économie. Ce prix récompense d es recherches qui font rire d'abord puis réfléchir.
C'est bien le cas de cette recherche...

La recherche de Miller et al.

Leurs résultats remettent en question l'affirmation généralement acceptée que les femmes n'ont pas d'oestrus ou qu'il n'est pas détecté par les hommes.

Pour de nombreux mammifères il y a des périodes de "chaleurs" où les femelles sont plus  réceptives sexuellement, et plus attractives :  "Estrus is a phase of increased female sexual receptivity, proceptivity, selectivity, and attractiveness", et l'article indique qu'il pourrait contribuer à obtenir des partenaires de meilleur qualité génétique.

C'est un sujet sensible aussi ils avancent avec prudence sur un terrain très controversé.  Ils passent  en revue des études qui suggèrent que les hommes et les femmes seraient sensibles aux phases du cycle des femmes.  (Selon ces articles que Miller cite, les partenaires surveillent plus leurs compagnes dans les phases fertiles, surtout si elles son jolies et eux moins, et les moins jolies surtout à ce moment-là.) "These four studies provide some evidence that men are sensitive to estrous cues in real-world situations."

Je comprends qu'on veuille réagir à ces propos, mais je tiens à préciser que ce ne sont pas les miens : j'essaye de relater honnêtement ceux de Miller, G., et al. (2007) http://dx.doi.org/10.1016/j.evolhumbehav.2007.06.002 | extraits intranet.pdf  Comment  Obtenir un article mentionné : Get-a-doi
L'article développe plus évidemment, et je vous encourage à le lire avant de m'envoyer des messages irrités.

L'argent comme indicateur révèle une communication entre les femmes et les hommes

Miller et al. ont réalisé une enquête auprès de 18 femmes durant 296 soirées de 5 heures de danse au cours de 60 jours environ 5300 danses érotique sur les genoux des clients dans des cabarets à Albuquerque. Ces danses "lap danse" sont une particularité liée aux lois contre la prostitution aux USA : les danseuses de cabaret peuvent monter sur les genoux des homes et peuvent bouger à leur guise mais les hommes ne peuvent pas les toucher. Tapez "lap dance" dans un moteur de recherche si vous voulez voir à quoi cela peut ressembler.
Ce qui est pertinent à la recherche de Miller est que la prestation de la danseuse a un coût fixe (un "pourboire") mais que les clients choisissent quelle  danseuse ils voudront le temps d'une musique (3min). Les danseuses sont nombreuses et donc en compétition pour le choix des clients, aussi le revenu des danseuses exprime vraisemblablement le degré de satisfaction des clients et les variations de ce montant reflèteraient des variations importantes comme l'attractivité dans ce comportement sexuel formalisé.
"These dancers are highly motivated to maximize tip earnings during every shift they work, which they do by appearing more sexually attractive than the other 5 to 30 rival dancers working the same shift "
Selon les auteurs si l'oestrus était complètement caché,  les revenus ne devraient pas varier au cours du cycle, et la mesure du revenu est donc pertinente pour discuter si il y a ou non oestrus et s'il est détecté par les mâles dans l'espèce humaine.
Les chercheurs ont demandé à ces femmes de noter de manière anonyme par internet chaque soir après le travail combien elles avaient gagné, où elles en étaient de leur cycle et si elles prenaient la pilule.

Résultats :

Les danseuses qui avaient un cycle normal ont gagné en moyenne US$335 par période de 5h durant l'œstrus, et seulement US$260 durant la phase lutéale, contre seulement US$185 pendant la menstruation. Les participantes utilisant une pilule contraceptive ne montraient pas cette variation. Cf fig 1.

Fig. 1.
          Effects of ovulatory cycle (Days 1–28) on average tip earnings
          per shift, for normally cycling women versus women using
          hormonal contra- ception (pill users); each data point
          represents a 3-day average of the indicated day, the previous
          day, and the following day.

Fig 1 : Les effets du cycle menstruel sur le revenu des danseuses de cabaret.  [img]Source : Miller, G., et al (2007).

Un cadre évolutif donne du sens à ces résultats ... et suscite des réactions ?

Les auteurs interprètent ces résultats dans un cadre évolutif : ils se réfèrent à l'idée courante (parmi ces scientifiques... je ne suis pas sûr que chacun accepte cette idée sans la discuter)  que les cycles des femmes sont devenus cryptiques au cours de notre évolution parce que celles qui le font pourraient mieux assurer la présence des mâles auprès de leurs enfants grâce à des relations durables. "The conventional wisdom holds that human female estrus became uniquely “lost” or “hidden” over evolutionary time […], perhaps to promote male provisioning and paternal care in long-term pair-bonded relationships " Et que les hommes auraient été sélectionnés pour détecter ces phases malgré tout.

La séduction : un combat  ? 

Marie-Louise Pierson le montrait aussi dans une image illustrant la séduciton comme un duel à l'épent entre deux partenaires [img intranet].
MIller et al. se réfèrent à une sorte de course à l'armement entre les sexes. "As in so many coevolutionary arms races between the sexes[…], this outcome is not a clear victory for either sex." L'état actuel serait un équilibre : nous serions les descendants de celles qui ont le mieux su cacher leur cycle pour garder nos ancêtre mâles auprès d'elles et de ceux qui ont le plus réussi à percer ce secret. Pour avoir un maximum  de descendants avec elles ... ou d'autres. Et elles auraient choisi les hommes les plus sexy pour leurs infidélités et les hommes les plus stables le reste du temps  (Bressan, P., & Stranieri, D. 2008). 
"we suspect that human estrous cues are likely to be very flexible and stealthy—subtle behavioral signals that fly below the radar of conscious intention or perception, adaptively hugging the cost–benefit contours of opportunistic infidelity." Miller et al.


Une question controversée : problème ou opportunité éducative ? Que les rapports homme-femme soient une forme de combat qui s'explique avec l'évolution pourrait être une belle accroche pour impliquer les élèves dans l'étude de l'évolution.  Si on accepte le débat et si on est prêt à mener un vrai débat scientifique : une controverse constructive...
Notez déjà la date du 2 mai où Laurence Simmoneaux , une spécialiste internationale des questions vives donnera une conférence dans le cadre de la didactique de la biologie à l'IUFE. Elle ne parlera pas des danses de cabaret mais  de la relation alimentation-environnement et... des OGM sans doute.

Comment débattre des questions vives science-société en classe ?

Conférence avec  Laurence Simmoneaux

Mardi 2 mai 2012, 8h30 à 10h Sciences II, salle 1S059



Interprétation... phéromones, mouvements ou autre signal mystérieux

Ces données suggèrent que les hommes détectent de manière non consciente quand une femme est plus fertile, mais la nature des signaux impliqués reste à découvrir. Les auteurs n'ont pas pu vérifier s'il s'agit d'odeurs ou d'autres changements physique subtils, mais ils ne pensent pas que ce soit quelque chose d'évident comme le type de danse ou le contenu de la conversation.  
 

(2007) dans ScienceNews discute l'article de Miller, G., et al (2007) avec un titre qui contredit presque les conclusions des auteurs...
En effet, le psychologue de l'évolution, Karl Grammer de l'institut Ludwig Boltzmann d'Ethologie Urbaine à Vienne met en rapport ces résultats avec des recherches qu'il poursuit montrant qu'il est possible de détecter le moment de l'ovulation par les effets que les niveaux accrus d'oestrogènes induisent sur la manière de marcher et de danser. Pour lui il s'agirait de changements dans les mouvements : "it seems to be most likely that body motion--and not pheromones--is the information carrier."
La question du sexe de l'auteur des recherches ne peut pas être ignorée dans un cas comme celui-ci.
C'est intéressant de noter que Constance Holden - une femme - dans la news de Science rapporte ces propos de Grammar qui a pas mal publié sur les liens entre beauté perçue hormones et mouvement alors que Miller suggère plutôt d'autres pistes... la question reste ouverte, la recherche se poursuit !   


D'autres études sur les effets sur le comportement du cycle menstruel

  • Les femmes mariées préfèrent les célibataires quand elle sont fertiles... ?
  • Préférence de visage masculins – pour une relation a court terme – selon le stade du cycle : 
    • Little, A. C., & Jones, B. C. Variation in facial masculinity and symmetry preferences across the menstrual cycle is moderated by relationship context. Psychoneuroendocrinology,(0) doi:10.1016/j.psyneuen.2011.11.007
  • Review :
    • Haselton, M. G., & Gildersleeve, K. (2011). Can Men Detect Ovulation? Current Directions in Psychological Science, 20(2), 87–92. doi:10.1177/0963721411402668
  • Les femmes détectent mieux les serpents selon la phase du cycle menstruel
    • Masataka, N., & Shibasaki, M. (2012). Premenstrual enhancement of snake detection in visual search in healthy women. Scientific Reports, 2. doi:10.1038/srep00307
  • Le visage d'une femme est plus attractif au moment fertile de son cycle
  • Nouvelle dans ScienceNews qui discute l'article de Miller et al. 
  • Les femmes seraient plus vachardes entre elles durant la phase fertile
    • Hopkin, M. (2004). Caustic comments get girls a date. Nature News. doi:10.1038/news040216-11

Sources

jeudi 8 mars 2012

Semaine internationale du cerveau lundi 12 samedi 17 mars

Dans le  cadre de la semaine du cerveau du lundi 12 au samedi 17 mars 2012, des ateliers et des visites sont organisés pour les classes et probablement pleins depuis longtemps, et les conférences sont maintenant annoncées avec une sorte de jeu de mots visuel sur le plastique d'un modèle du cerveau. 



Chaque année la semaine du cerveau nous offre l'occasion de magnifiques conférences pour titiller les cerveaux intelligents et curieux...

Provocante, cette remarque cherche à mettre en évidence que les capacités du cerveau sont vues comme statiques dans de nombreuses situations scolaires : l'élève est "bon" ou pas, il est "motivé" ou pas... il s'intéresse aux sciences ou pas ! Un peu comme si c'étaient des propriétés définitives de son encéphale.
A part la dégradation avec l'âge, il me semble qu'une vision de son fonctionnement comme une constante plutôt que comme une dynamique est encore en filigrane dans de nombreux choix pédagogiques.
On sait que certains neurones peuvent parfois se multiplier, on parle de plus en plus de la plasticité du cerveau comme d'un mécanisme pour nuancer l'irrémédiable poids du passé sur l'épanouissement de l'individu, la résilience par exemple. On cherche à y faire appel pour traiter les séquelles psychologiques des évènements traumatisants.
On parle de plasticité aussi pour comprendre comment la mémoire est modifiable par son usage,... Du coup les jugements sur les capacités des élèves devraient-ils être transformés en positionnement sur un parcours ?

La semaine du cerveau est en tous cas une belle opportunité de mettre la plasticité du notre à l'épreuve ...

Semaine internationale du cerveau

Du lundi 12 au samedi 17 mars 2012

Uni Dufour, 24 rue Général-Dufour, Auditoire Piaget (U600, sous-sol)


Programme à imprimer  (document pdf 1.3 MB)
Organisation: Centre interfacultaire de neuroscience de l'Université de Genève
Renseignements:
Mona Spiridon
T 022 379 53 78