mardi 11 janvier 2011

Amygdales et émotions... pour un débat le 4 février !

Les émotions ... dans notre cerveau, via notre corps ou immatérielles ?

De nombreuses recherches explorent le lien entre certaines structures de l'encéphale (notamment l'amygdale) et les émotions. De nouvelles techniques de  neuroimagerie ( notamment l'IRMf) produisent des résultats qui obligent à repenser -entre autres - la question du siège des émotions. Elles révèlent comment certaines zones s'activent lorsque des émotions se manifestent, notamment l'amygdale ( L'hippocampe et l'amygdale (pas celles au fond de la gorge, celle qui est au centre de l'encéphale...).
Deux recherches récentes mettent en évidence des liens entre leur fonctionnement, leur taille ou leur absence et des émotions.
Les biologistes sont probablement enclins à croire qu'un jour on pourra expliquer les émotions en termes d'activités neuronales dans le système complexe du cerveau sans forcément avoir sérieusement remis en question les présupposés.
Les littéraires et les philosophes que j'ai pu croiser ne croient pas que la science puisse un jour expliquer les émotions et crient au réductionnisme, parfois sans avoir réellement pris la peine de comprendre ces nouvelles études.
Ainsi la question du corps et de l'esprit se pose de manière renouvelée :
Les émotions sont-elles la manifestation de l'activité de centres nerveux qu'on commence à identifier de plus en plus précisément, ou sont-elles plus nobles et ne se réduisent-elles pas à un simple support matériel ...  Comme la feuille de papier est nécessaire au poète, mais n'est pas sa créativité ? Le mouvement de la plume chaque fois qu'on voit apparaitre un poème ne devrait pas faire conclure que la poésie naît dans la plume ou la main ! Pourtant de nombreuses recherches étayent de plus en plus solidement une base neurologique aux émotions !
Les deux positions sont-elles forcément irréconciliables ?
Y a-t-il des positions intermédiaires,  ou moyen de sortir de cette alternative ?
Image ch1fbc1.jpg
Le 4 février, quatre spécialistes de haut niveau confronteront leurs points de vue : une chance rare d'avoir des éclairages aussi différents mais tous de haut niveau réunis pour débattre !  
C'est que l'iRMF  est un domaine encore nouveau pour beaucoup. Cette journée sera l'occasion d'en comprendre les techniques, les potentiels mais aussi d'en mettre en perspective les conclusions. Un exemple d'IRMf lors de stimulation visuelle à droite. Source : Purves (2001)
Afin d'être à même de porter un jugement éclairé sur les publications, pour répondre aux questions d'élèves.

Ou juste pour se faire plaisir en écoutant un débat stimulant !

Vu qu'il reste de la place dans la salle, je prends l'initiative de dire que la journée est ouverte à tous !
Formation continue pour les maîtres de biologie, de philosophie et tous les autres !

Imagerie cérébrale : faut-il repenser l’humain émotionnel ?   

avec 4 experts de haut niveau :
François Ansermet, Julien Deonna, Didier Grandjean et Patrick Vuillemier


Description des techniques d'IRM fonctionnelle, discussion de leurs limites à l'aide d'exemples dans le domaine des émotions, de la prise de décision, de la reconnaissance faciale et vocale et de l'attachement.
 - Regard psychanalytique sur le rapport corps/esprit dans les émotions.
 - Neurobiologie : le point de vue biologique sur les exemples cités.
 - Eclairage philosophique : le rapport du corps et de l'esprit.
 - Débat et confrontations de points de vue.

 
Pour s'inscrire dans le cadre de la formation continue  PO-10401
ou contacter E. Scheidegger ici

Deux exemples de recherches récentes qui supportent plutôt l'idée d'une base neurologique aux émotions: 

Parmi tout  ce qui est paru j'ai choisi deux exemples récents, pas directement liés à l'IRMf, puisqu'elle sera présentée le 4 février, mais qui sont accessibles et ouvrent de belles questions. Et vous donneront envie d'assister à la journée ?  
Les deux parlent de l'amygdale, une structure bilatérale de la taille de deux amandes (d'où son nom d'amygdale)
  • Pour plus de précisions sur l'amygdale : cf le Purves ici
et non

Fig 1 : Il s'agit de l'amygdale - qui est au singulier même si elle est bilatérale précise Ivan Rodriguez - dans le système nerveux (elle fait partie du système limbique) et non des amygdales au fond de la gorge (organe immune secondaire) !

L'amygdale plus grandes chez les êtres plus sociaux ? 

Combien d'amis vous avez pourrait être prédit par la taille de l'amygdale (cf. fig 1) qu'on trouve chez un large éventail de vertébrés, rapporte  Weaver, Janelle. (2010 dans une news de Nature (ici).

Amygdala
Fig 2 : La taille de l'amygdale  révèlerait l'ampleur du réseau social d'un individu.  [img]Source : Brad Dickerson

Les chercheurs, Bickart, K. C., & al. (2010) ont comparé la taille de cette structure (cf fig. 1) chez 58 adultes en bonne santé et leur ont demandé combien d'amis ils avaient et de combien de groupes ils faisaient partie.
Les participants qui avaient un réseau social plus grand et plus complexe avaient l'amygdale(s) plus grande(s) cf fig 3.
Amygdala volume correlates with social network size and complexity.
Fig 3  : La taille totale des 2 parties de l'amygdale corrèle avec le nombre de personnes dans le réseau social et le nombre de groupes. (source:Bickart, K. C., & al. (2010))



La nature de cette relation volume-réseau social reste mystérieuse pour les auteurs. Peut-être que le rôle bien connu de cette structure dans la reconnaissance des visages, des émotions et la mémoire émotionnelle influence le fait que quelqu'un développe et maintienne des relations dit un des auteurs.
On sait bien que corrélation n'est pas causalité ! Il est possible que ce soit l'inverse : la taille de l'amygdale serait le résultat d'un réseau social complexe et non la cause. Kevin Ochsner de la Columbia University à New York dit que ce peut même être les deux à la fois (la sociabilité augment la taille de l'amygdale qui permet plus de sociabilité ce qui en augmente la taille, ...).
Il pense par ailleurs la solidité des données de cet article en fera un grand classique.

Une femme sans peur et sans amygdale...

SM-doesn't follow eye patternUne femme de 44 ans - que par respect de son anonymat les auteurs appellent SM - a été longuement étudiée : elle n'a peur de rien, ni des serpents, ni des araignées, ni des films d'horreur. Elle ne voit pas non plus la peur dans les visages des autres, ses yeux n'examinent pas le visage et les signes d'émotion comme les autres. 
Adolphs, R.,et al. (2005) cf ci-contre :

Cassandra Willyard (2010) rapporte dans Science now (, qu'on a trouvé la raison : deux trous noirs là ou devrait être son amygdale, suite à une rare maladie génétique (Urbach-Wiethe).
 
Fig 4 : Pour les auteurs  la comparaison d'un scan d'il y a 10 ans B et actuel montre la disparition ciblée de l'amygdale."Images were acquired at (A) the onset of this study and (B) 10 years earlier. Axial slices (1A and 1B) reveal focal bilateral amygdala lesions" J'avoue avoir eu de la peine a les observer, mais je ne suis pas spécialiste. A droite on voit SM manipulant un serpent dangereux et une tarentule qu'elle a même cherché à toucher. (source:Feinstein,& al. (2011)


Feinstein, J. S., et al (2011) écrivent dans Current Biology ici que cette femme ne réagit pas à de nombreux stimuli qui causent normalement la peur. Comme le montre la figure 4, ses réactions émotionnelles sont à peu près normales dans tous les cas sauf une absence de réaction de peur. Ils ont même essayé Shining et le silence des agneaux sans qu'elle réagisse !

Emotions SM comparee

Fig 5  :Les réactions émotionnelles de SM à des films sont normales, sauf pour la peur. (source:Feinstein,& al. (2011)

Ce cas particulier renforce la thèse que les émotions sont le résultat de l'interaction de tous ces neurones dans diverses parties de l'encéphale et que l'amygdale y joue un rôle crucial.

Fig 6  :Le double circuit des émotions . (source: Dubuc, Bruno.(2008),

De manière plus précise, cela renforce l'idée chère à Damasio, un des auteurs, que les émotions sont des manifestations corporelles sous contrôle de l'amygdale, justement, directement produites par les stimuli dont nous prenons conscience. Selon cette vision, les émotions sont le pouls qui s'accélère, la transpiration, la gorge sèche,...  et nous prendrions alors conscience de nos émotions en passant par le corps.
  • Damasio Antonio : « Le choix rationnel n'existe pas » (La Recherche-intranet)
  • Damasio, A. R., & Blanc, M. (2001). L'erreur de Descartes: Paris: Odile jacob.
D'un autre coté, l'absence de cette amygdale lors du dysfonctionnement ne prouve pas que c'est là que tout ce qui constitue l'émotion de la peur se produit, cela montre que cette structure est nécessaire à la peur. Comme si on enlève les bougies d'une voiture, et qu'elle ne roule plus, on peut déduire qu'elles sont nécessaires, mais pas que les bougies entraînent les roues et sont le moteur ! ça ne prouve pas non plus que toute la mécanique ne sert a rien et que pour réparer la voiture il faudrait faire des incantations plutôt qu'examiner avec rigueur son fonctionnement...
Dans les bio-tremplins

La science n'est pas faite de certitudes

Si vous êtes sûr de votre point de vue, soyez scientifique, doutez, venez pour  nuancer un peu !
Si vous doutez, venez pour étayer les points de vue de  faits solides...
Qu'il y ait des gens beaucoup plus savants que d'autres n'est pas très intrigant. Ce qui est extraordinaire, et diablement instructif, c'est à quel point deux personnes ayant des connaissances proches peuvent diverger dans la façon dont elles les interprètent. Placées, quant au savoir, à peu près du même point elles observent des mondes qui semblent n'avoir rien en commun, De telles irréductibilités d'interprétations sont plus enrichissantes, que les différences d'étendues de connaissances.
Un auteur pas plus savant que ses lecteurs mais qui comprend son savoir d'une façon qui les étonne, les désarçonne, voire les choque, leur apporte plus qu'un auteur qui n'a à leur offrir qu'un savoir plus vaste que le leur. Si vous êtes de gauche, lisez des auteurs de droite, si vous êtes rationaliste, lisez des mystiques (et symétriquement, bien sûr) ! La stimulation naît du désaccord. On ne sait ce qu'on pense que quand on a compris les raisons de ceux qui pensent autrement.

Nordon, D. (2007). Pourvu que je ne comprenne pas !
Profitons de cette exceptionnelle journée pour prendre la mesure d'un débat passionnant qui ne manquera pas d'apparaître en classe  !

Sources

  • Adolphs, R., Gosselin, F., Buchanan, T. W., Tranel, D., Schyns, P., & Damasio, A. R. (2005). A mechanism for impaired fear recognition after amygdala damage. Nature, 433(7021), 68-72. doi:10.1038/nature03086Bickart, K. C., Wright, C. I., Dautoff, R. J., Dickerson, B. C., & Barrett, L. F. (2010). Amygdala volume and social network size in humans. Nat Neurosci, advance online publication. doi:10.1038/nn.2724
  • Dubuc, Bruno.(2008), Le cerveau à tous les niveaux. Mc Gill
  • Feinstein, J. S., Adolphs, R., Damasio, A., & Tranel, D. (2011). The Human Amygdala and the Induction and Experience of Fear. [doi: DOI: 10.1016/j.cub.2010.11.042]. Current Biology(In Press, Corrected Proof). extraits-intranet.pdf
  • Nordon, D. (2007). Pourvu que je ne comprenne pas ! Pour La Science.(Décembre 2007), 5.
  • Purves, et Al. (2001) Neurosciences Sunderland (MA): Sinauer Associates, Inc.
  • Weaver, Janelle. (2010). Amygdala at the centre of your social network. Nature News 26 December 2010 | doi:10.1038/news.2010.699 
  • Willyard Cassandra. (2010). Fearless Woman Lacks Key Part of Brain Science now 16 December 2010, 1:00 PM |

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire