vendredi 25 septembre 2009

Des papillons de nuit brouillent le sonar des chauves-souris

Plus qu'un papillon furtif, plus qu'un signal de mauvais goût, ce papillon de nuit brouille le sonar des chauve-souris.

Des chercheurs ont pu mettre en évidence comment un gros papillon de nuit américain échappe à une chauve-souris : l'insecte émet un ultrason très fort qui varie comme une sirène et lui permet d'échapper presque à chaque fois au prédateur.

Picture of tiger moth

Figure 1 : Une chauve souris (Brown bat) capture un papilon de nuit rendu silencieux accroché à un fil. Le papillon de nuit Bertholdia trigona (encadré) émet des click ultrasonores qui brouillent le sonar de la chauve-souris Credit: Photo Nickolay Hristov;

Price, Michael. (2009) dans les News de Science (Moths Block Bats' Sonar) rapporte comment les chercheurs on pu mette en évidence ce mécanisme de brouillage

Le sonar des chauve-souris rendu audible

Les chercheurs menés par Conner (Aaron et al. 2009 ici ) ont attaché des papillons de nuit à des fils extrêmement fin ( indétectable au sonar) et ont enregistré avec une caméra infrarouge et en audio ce qui s'est passé.
On sait que les chauve-souris explorent leur environnement avec un sonar : elles émettent des "ping" ultrasonores réguliers, les "ping" s'accélèrent quand elles repèrent une proie, et encore plus quand elles ciblent et attrapent finalement la proie. L'extrait ici le fait bien entendre. Ces extraits sont des enregistrement des ultrasons rendus audibles et ralentis de 15 fois.
L'enregistrement révèle des brouillages intenses et le papillon en réchappe souvent : écoutez ici. On entend bien comment la chauve-souris une fois que l'insecte brouille son sonar reprend des sons plus lents et l'image montre qu'il ne parvient pas à attraper le papillon.

Une partie de cache-cache évolutive ?

Les chauves-souris localisent leurs proies avec un sonar, et peuvent ainsi chasser de nuit sans la concurrence des oiseaux qui occupent la plupart des niches écologiques de jour et y laissent donc peu de place aux mammifères.
Mais les papillons qui avaient des particularités les protégeant (comme des poils qui absorbent les ultrasons) on eu bien plus de descendants : ils ont ainsi évolué pour être velus, mais aussi pour détecter les ultrasons et fuir ou se laisser tomber irrégulièrement quand ils entendent des ultrasons. Cf Gould, J., et al (1994) intranet.jpg
Un très bon review de la quesiton est ici Waters, D. A. (2003)

Et même – cette recherche recentre le montre – pour produire des ultrasons qui brouillent le sonar et permettent à certains comme Bertholdia trigona d'échapper souvent à leur prédateur. Ceux-ci ont des organes spéciaux (cf fig 3 ) qui produisent des ultrasons, situés sous l'abdomen et produisent un bruit un peu comme une cannette de soda qu'on plie et qui se redresse.

On connaissait ces papillons de nuit qui font des bruits "click" parfois par mimétisme (pour imiter des espèces toxiques ou désagréables comme les syrphes imitent visuellement les guêpes)
Mais celui-ci B. trigona émet un bruit d'un ordre de grandeur plus élevé qui devient audible si on l'approche de l'oreille "zzt-zzt-zzt". Les chercheurs ont pensé que ce bruit pourrait surprendre les chauve-souris, mais dans ce cas devrait voir la chauve-souris s'y habituer et les capturer à la longue. Enfin on pourrait penser que c'est un signal avertissant de la toxicité comme les couleurs des guêpes.

Le mécanisme de brouillage mis en évidence

Dans le cas étudié, la chauve-souris essaye dès la première fois (ce qui élimine l'hypothèse de la surprise), persévère plusieurs jours de suite (ce qui élimine l'hypothèse du signal de goût désagréable).
Elles réessayent plusieurs fois par nuit , en général sans succès et finissent par abandonner ce qui rend l'hypothèse du brouillage la plus plausible.
Les chercheurs ont alors éliminé les organes sonores (cf fig 2) et observé que la chauve-souris réussissait bien mieux (400%) à attraper sa proie rendue silencieuse.

Fig 3 : Ces organes sonores sont situés sous l'abdomen des papillons de nuit et produisent un bruit un peu comme une cannette de soda qu'on plie et qui se redresse, mais 4500 fois par seconde. [img] Figure complète ici Source (Skals & Surlykke 1997à gauche et Aaron et al 2009 à droite)

Pour les auteurs les clicks sont perçus par les chauve-souris comme des échos multiples, des images acoustiques multiples qui empêchent de situer les proies. "multiple acoustic images in space," which "throws off the ranging software in the brain of the bat."

D'autres papillons émettent des sons audibles.

Peut-être avez-vous été comme moi un jour surpris par le très grand sphinx tête de mort (Acherontia atropos) le plus lourd des papillons de chez nous avec 1.5g. Si on le dérange il produit une sorte de puissant couinement. Comme sa chenille se nourrit de solanacées généralement toxiques, j'imagine que ce bruit avertit de son goût désagréable voire toxique, en plus de surprendre. En tous cas il a la réputation d'être un mauvais augure.
Sphinx_t%C3%AAte_de_mort

Figure 4 : Acherontia atropos a la réputation d'être de mauvaise augure, avec la tête de mort qui orne son thorax... (Source wikipédia)

Vulgarisé en français ?

On voit régulièrement comment l'information percole -et se dégrade- depuis des revues dites primaires (Science, Nature) vers des ouvrage de vulgarisation souvent plus attractifs pour les élèves mais tellement frustrants ; Excellent pour susciter l'envie de savoir mais pauvres en solide information : on reste sur sa faim.
Les Bio-Tremplins essayent de faciliter le travail de dé-vulgarisation, de rendre plus accessible la littérature d'origine. Celle qui est complexe, mais qui contient l'information complète. Et peut-être de donner le gout de cette démarche de lecture critique...
Dans le cas particulier Science et Vie a fait un article de quelques lignes sur le sujet.
  • Réry, L. (2009). Ce papillon brouille le sonar des chauve-souris, Science et Vie Octobre 09 p, 21 extraits intranet.pdf

Sources :

Sons et vidéos

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